Lundi, 15 avril, 2024

Me Fabienne GIMONDI, Avocat à Montpellier, intervient notamment en matière de

  • divorce et prestation compensatoire,
  • divorce par Avocat
  • succession et partages amiables ou judiciaires
  • liquidation des régimes matrimoniaux
  • indivision

L'Avocat intervient avant litige (devant Notaire  lors de la liquidation d'un régime matrimonial, d'une succession ou d’une indivision) ou devant le tribunal lorsque les parties n'ont pas pu trouver un accord.

Comment avantager son épouse quand on a des enfants nés d'un premier mariage?

C'est certainement la question que s'est posée à un époux pour acheter, avec sa seconde femme, un bien en tontine (clause d'accroissement), afin d'augmenter les droits pécuniaires de cette dernière.

Il est vrai que les droits de l'époux survivant peuvent déjà être réduit car entre la masse de calcul et les biens sur lesquels ils peuvent être réellement prélevés et payés, ce n'est pas la même chose (art 758.5 du code civil) et le survivant peut avoir de drôles de surprises, d'autant qu'il peut aussi avoir opté pour le droit d'habitation et d'usage de l'article 764 du code civil.

Qu'à cela ne tienne, la tontine est là  : deux ou plusieurs personnes achètent un bien immobilier et contractent une clause d'accroissement en vertu de laquelle le dernier survivant sera présumé avoir été depuis le début le seul et unique propriétaire du bien.

Si l'on s'attache à la jurisprudence, l'Avocat qui la conseillerait, aurait tout intérêt à demander quelques précisions.

En effet, s'il faut établir l'animus donandi pour prouver une donation déguisée sous la forme d'une tontine, force est de constater que de la preuve à la présomption de l'animus donandi en fonction des circonstances, les juges sautent parfois le pas. C'est le cas avec le pacte tontinier car si deux époux s'affranchissent de ses conditions de validité, sa nullité peut être demandée et de fait et en droit, on aboutit à une donation déguisée présumée sans avoir à prouver positivement la volonté de donner du défunt.

En l'espèce, un époux de 65 ans (âge a priori sans importance déterminante ici) dont le pronostic vital était engagé par un cancer, achète avec sa seconde femme une maison et, surabondamment, le bien est financé par des fonds propres de celui-ci. Compte tenu de son état de santé, il avait donné procuration pour signer cet achat. Malchance suprême, le mari décède quelques semaines après l'acquisition.

De fait, la Cour d'appel de COLMAR jugeait : 

  • "La validité du pacte tontinier n’est plus discutée en cause d’appel. En outre, il ressort des conclusions des parties qu’elles admettent le principe selon lequel ce pacte serait susceptible de constituer une donation déguisée, au cas où l’aléa tenant à l’ordre de décès des époux aurait été inexistant à la date de l’acte, et où le bien acquis aurait été entièrement financé par l’un d’eux."

La Cour d'appel de Colmar rappelle donc les conditions de la tontine : 

  • l'aléa sur les risque de décès 
  • les sources du financement

L'affaire s'engageait mal pour l'épouse en l'état

  • du pronostic vital engagé au jour de l'achat du bien et de la signature du pacte tontinier
  • de la procuration donnée par le de cujus pour signer l'acte d'achat car il était alors hospitalisé du fait de sa maladie
  • de son décès un mois et demi après l'achat et seulement 8 jours après être sorti de l'hôpital.
  • de la bonne santé du bénéficiaire de la tontine (l'épouse)
  • du financement par des fonds propres (deniers personnels) du mari décédé

Santé  (aléa) et financement, les deux mammelles qui mettent fin au destin de la tontine.

La Cour d'appel de COLMAR en tire les conséquences : 

  • "Il s’ensuit que le pacte tontinier constituait en l’espèce une donation déguisée de Y-H X en faveur de son épouse. Comme toute libéralité, cette donation est présumée, en vertu de l’article 843 du code civil, avoir été faite à titre d’avance sur part successorale. Elle est donc soumise à rapport et il convient de faire droit sur ce point aux prétentions de MM. B et C X."
  • "Il appartiendra au notaire commis aux opérations de partage d’établir le compte de liquidation de la succession, après rapport de l’immeuble de Rixheim, et de calculer la quotité disponible, ainsi que le montant d’une éventuelle indemnité de réduction, au cas où la donation de l’immeuble de Rixheim à l’épouse aurait excédé la quotité disponible."
  • "La demande de réduction de libéralité est donc, en l’état, prématurée."

En clair, vu que les parties n'ont manifestement pas entendu contester la validité du pacte tontinier l'épouse restera bien propriétaire. Toutefois, la valeur du bien fera partie de la succession pour la totalité.

Si le montant des droits que la veuve doit percevoir sont inférieurs à la valeur du bien elle devra payer à la succession une indemnité dite de réduction. la note peut s'avérer salée.

Maître Fabienne GIMONDI, Avocat à Montpellier.

(Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 19 décembre 2019, n° 17/02928 - source : Site DOCTRINE)

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